En 1846, le peintre à succès Ernest Meissonier (1815-1891), tout juste décoré de la Légion d’honneur, fait l’acquisition à Poissy d’une maison de maître entourée d’un grand jardin où il résidera en partie pendant près d’un demi-siècle. Plus qu’un lieu de résidence, cette propriété fut pour l’artiste un lieu de création et d’émulation où se réunissaient ses admirateurs et élèves. L’utilisation de cet environnement comme cadre pour nombre de ses tableaux montre son attachement à cette ville, dont il fut brièvement le maire en 1878 et où il fut inhumé en 1891.
Il n’est que justice, donc, que la ville de Poissy lui ait rendu hommage cette année à l’occasion du bicentenaire de sa naissance. Les Journées européennes du patrimoine 2015 ont été le point culminant de ces festivités avec l’organisation d’un grand nombre d’événements autour de la personnalité et de l’époque d’Ernest Meissonier.
Ernest Meissonier, un certain regard
Entre le 27 mars et le 27 septembre, le prieuré royal Saint-Louis de Poissy a accueilli une exposition entièrement consacrée à Ernest Meissonier. Au rez-de-chaussée du musée du jouet, l’exposition de taille modeste se concentrait sur l’intérêt accordé par le peintre aux événements historiques de son temps à travers une cinquantaine de peintures, dessins et gravures. Si une grande partie des oeuvres venait du fonds du musée d’art et d’histoire de Poissy, certaines d’origine privée avaient un caractère inédit. A côté de l’évocation de la personnalité de Meissonier, on découvrait ainsi les sujets qui ont fait sa renommée : les barricades de 1848, la bataille de Solferino, le Siège de Paris en 1870, la Commune de Paris en 1871.
Après sa mort, Meissonier a été – injustement peut-être – rattaché à la catégorie des « peintres pompiers ». Contrairement aux autres oubliés de ce groupe, il n’a pourtant pas suivi le parcours traditionnel des peintres classiques. Ni Ecole des Beaux-Arts, ni Prix de Rome pour ce fils de commerçant de teintures pour le textile. Meissonier était autodidacte. Son apprentissage commence par une étude attentive de la nature. Fin observateur, il s’attache à restituer le réel dans ses moindres détails. C’est ainsi qu’il excelle dans les petits formats, les peintures de genre influencées par les petits maîtres hollandais. Meissonier est le peintre des mousquetaires, des petites scènes inspirées des Lumières qui trouvent facilement une place dans les intérieurs bourgeois.
Passionné d’histoire et en particulier des campagnes napoléoniennes, il réalise également des tableaux de grande dimension qui n’auront pas le succès de ses petits formats. 1814, La Campagne de France et L’Empereur Napoléon III à la bataille de Solferino (1859-1863) donnent lieu à de nombreuses études. Des études de chevaux en particulier pour lesquelles Meissonier s’intéresse à la photographie et aux travaux de Marey et Muybridge.
Un catalogue regroupant des textes des commissaires et de spécialistes de l’oeuvre de Meissonier, aux éditions Mare&Martin, a accompagné cette exposition.
« Sa maison qu’il peut signer comme une de ses toiles » (Théophile Gautier)
A quelques mètres de l’exposition hommage à Meissonier, quelques privilégiés – dont j’ai eu la chance de faire partie – ont découvert la maison et l’atelier d’été du peintre. La propriété, toujours entre les mains des descendants de l’artiste, ne semble pas avoir beaucoup changé depuis sa mort en 1891.
Meissonier achète l’ancienne orangerie de l’hôtel de Mailly, construite durant la première moitié du XIXème siècle sur le site de l’ancien prieuré de l’abbaye des Dominicaines (le lieu de naissance de Saint-Louis). Cette grande propriété, à proximité de Paris, lui offre l’espace nécessaire à la construction de deux vastes ateliers et d’écuries. C’est aussi un bâtiment qu’il va continuellement faire évoluer au fil des années, au gré de ses envies.
Avec l’aide de son ami Emile Boeswillwald, architecte des monuments historiques, il transforme la maison : les fenêtres sont dans le style hollandais, une tour aux airs de chapelle est construite à l’extrémité. Tous ces détails sont facilement reconnaissables sur plusieurs de ses peintures.
En 1862, il achète la propriété voisine, ancienne maison de la prieure, en bordure de la ruelle de l’Enclos de l’Abbaye, pour son fils Charles. Sa fille Thérèse, qui épouse le peintre Lucien Gros, est aussi installée dans l’ancien enclos de l’Abbaye. Ses élèves, comme Edouard Detaille (1848-1912), viennent s’installer à Poissy pour bénéficier de l’entourage et des conseils du maître. C’est donc presque tout un quartier historique qui reprend vie grâce à l’intérêt de Meissonier.
Pour les Journées du Patrimoine, c’est cette époque qu’ont voulu faire revivre les habitants de Poissy – parmi lesquels les descendants du peintre – à travers de nombreuses animations : lectures de textes de la famille de Meissonier, reconstitution de scènes issues des tableaux de Meissonier, démonstrations de métiers d’époque, etc.
Cette initiative, qui nous a semblé très réussie, a permis de faire connaître ce peintre oublié de la manière la plus agréable : sous le soleil, dans un air de fête et de bonne humeur. Ce que le peintre aurait très certainement apprécié.
M.D.
Pas de commentaires