Depuis quelques mois, le musée d’Orsay expose un des chefs d’oeuvre du musée des Beaux-Arts de Nantes actuellement fermé pour travaux : La Parabole du Fils prodigue par James Tissot (1836-1902). Cet ensemble de quatre peintures, fut légué par l’artiste au musée du Luxembourg avant d’être déposé en 1914 dans sa ville natale. Présentées à proximité des autres oeuvres du peintre moderne, dont Le Cercle de la rue Royale (1868), ces peintures annoncent la phase mystique que connut Tissot vers la fin de sa vie.
La parabole du fils prodigue, récit allégorique que l’on trouve dans l’Evangile de saint-Luc, met en scène trois personnages : un père et ses deux fils. Alors que le fils aîné suit les commandements du père, le second fils part à la découverte du monde et dilapide son héritage pour finalement revenir vers son père qui se réjouit de ce retour. Cet épisode du Nouveau Testament, représenté de nombreuses fois par les peintres à toutes les époques, a particulièrement inspiré James Tissot. En 1862 déjà, il illustre le début et la fin du thème dans deux tableaux aujourd’hui conservés au Petit Palais. Alors jeune artiste influencé par son compagnon Degas, Tissot choisit de situer les scènes dans l’Europe médiévale : le départ du fils prodigue dans la Venise du XVème siècle et son retour en mendiant déchu dans l’Europe du Nord médiévale. Cette première version ne reçut pas de bonnes critiques à sa présentation au Salon de 1863 ; elle fut mieux accueillie en Angleterre où Tissot s’installe à partir de 1871.
Une vingtaine d’années plus tard, l’artiste reprend ce sujet, cette fois-ci dans une version moderne. Quatre peintures composent La parabole du fils prodigue, commencée vers 1880 et exposée à l’Exposition universelle de 1889. La scène du départ se déroule sur les bords de la Tamise, dans un intérieur bourgeois que le peintre reproduit dans tous ses détails (nature-morte sur la table de la salle à manger, coquillage et bibelots dans le fond). Le jeu de lumière vient souligner chacun de ces éléments, ainsi que les expressions des visages des protagonistes. Le fils prodigue, nonchalamment assis sur la table, semble déterminé à partir malgré les efforts du père pour le retenir. A l’écart, le second fils, accoudé à la fenêtre, regarde songeur vers l’extérieur. A ses côtés, une femme, qui n’est autre que le modèle et la compagne de Tissot, Kathleen Newton, relève les yeux de son ouvrage de couture.
La deuxième étape du récit se déroule en pays étranger, en l’occurence au Japon. La scène se déroule dans une maison de thé, là encore au bord de l’eau. Au premier plan, les unes derrière les autres, des geishas exécutent une danse, à la lumière de lanternes. Avec d’autres occidentaux, le fils prodigue, au second plan, regarde le spectacle un verre à la main. Une jeune Japonaise est assoupie sur son épaule. Comme le montre l’attention accordée aux décors de fleurs de glycine des kimonos, Tissot avait un réel intérêt pour le Japon qui le poussa même à aménager un salon japonais dans son hôtel particulier parisien. Cette scène, encore plus que la précédente, est un jeu de clairs-obscurs.
Après le temps de la débauche, vient le temps du retour pour le fils prodigue qui a dépensé tout son héritage et se jette dans les bras de son vieux père dès son débarquement sur le quai. Tissot s’inspire du geste de la gravure de Rembrandt (1636). A leurs pieds, le plancher luisant n’est pas sans rappeler celui des Raboteurs de parquets (1875) de Gustave Caillebotte (1848-1894). Comme dans la scène du départ, le frère et la jeune femme – la soeur – se tiennent à l’écart, à l’extrémité droite du tableau. Les cochons, sur la gauche, sont une allusion à la vie dissolue du jeune homme. A l’arrière-plan, l’artiste a peint dans le détail une scène portuaire.
Dernier épisode de la série, Le Veau gras est une scène de repas de famille au bord de l’eau. A gauche, le fils prodigue revenu partage un repas avec son père, sa soeur et trois autres personnages, sous une tonnelle. A droite, le frère aîné, revenu d’une sortie en canot, les interrompt pour demander la raison de cette faveur à son père. Il porte la toque de Henley, très chic club londonien auquel appartenait Tissot. La capucine, au centre de la scène, est un symbole de renouveau.
Ces quatre peintures semblent faire la synthèse des influences de Tissot, en particulier les peintres flamands et les impressionnistes français. Par le choix du cadre des scènes, le peintre affirme également son attachement à son pays d’adoption : l’Angleterre. Suite à la mort de sa compagne Kathleen Newton en 1882, Tissot revient pourtant en France et se consacre définitivement à la peinture religieuse après une révélation mystique.
- Oeuvres présentées au musée d’Orsay, salle 12, jusqu’au printemps 2015.
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