Après d’importants travaux de rénovation, le Musée de Montmartre a ouvert au public de nouveaux espaces au mois d’octobre dernier. Ces transformations, engagées dès 2011 par la société privée en charge de sa gestion, ont permis au musée de doubler ses surfaces d’exposition et de rénover l’appartement-atelier de Suzanne Valadon et Maurice Utrillo du 12 rue Cortot. C’est ainsi un tout nouveau lieu, véritable havre de paix, qui accueillit notamment le peintre impressionniste Auguste Renoir (1841-1919), que découvrent les curieux qui s’aventurent au-delà des attractions touristiques de la Butte. Dans le cadre de cette inauguration, les nouveaux espaces d’exposition temporaires de l’Hôtel Demarne, bel hôtel particulier du XIXème siècle, accueillent une exposition consacrée aux artistes montmartrois au tournant du siècle, jusqu’au 25 septembre 2015. A cette occasion, les éditions Somogy ont édité un ouvrage, qui se veut à la fois catalogue d’exposition et guide des collections permanentes du musée.
Les collections permanentes du musée de Montmartre sont le résultat de l’action de passionnés qui constituèrent dès 1886 la Société d’histoire et d’archéologie « Le Vieux Montmartre ». Ces collections représentent aujourd’hui un ensemble de 6 000 pièces évoquant la culture et l’histoire de la célèbre colline parisienne : affiches originales, oeuvres d’artistes montmartrois, fonds photographiques des XIXème et XXème siècles, tableaux du théâtre d’ombres réalisés pour le cabaret du Chat-Noir, collection de porcelaines, meubles et objets. Elles sont présentées dans la Maison du Bel Air qui reconstitue l’ambiance des cabarets artistiques et bals populaires par le décor et la musique.
Cette agréable plongée dans l’esprit de Montmartre est complétée par l’exposition temporaire, très complète, qui permet de découvrir la philosophie radicale et contestataire des artistes de la butte. Qu’est-ce que « l’esprit de Montmartre » qui différencie le quartier du reste de Paris au tournant du siècle ? Le commissaire de l’exposition Phillip Dennis Cate identifie six principales caractéristiques :
- le socialisme anti-bourgeois ;
- le rejet des lieux traditionnels d’exposition, au profit des cabarets, cirques, cafés-concerts – à ce titre, le Chat-Noir est un lieu central pour le renouvellement de la création artistique et littéraire ;
- l’usage de procédés non-académiques (satire, calembours, caricatures, marionnettes) pour dénoncer les injustices ;
- la représentation de la vie du quartier et de ses habitants ;
- l’usage de tous les moyens d’expression modernes, notamment les techniques de reproduction photomécaniques ;
- la production de documents et de supports éphémères : affiches, illustrations, chansons.
Ce sont tous ces éléments que le parcours de l’exposition cherche à montrer. On y évoque les lieux de fêtes qui rythment la vie de Montmartre, comme le Chat-Noir, le Lapin à Gill (puis Lapin Agile) ou les Quat’z’Arts et les défilés et autres carnavals comme la Vachalcade. Les artistes qui vivent à Montmartre et fréquentent ces lieux forment des groupes, allant parfois au devant des avant-gardes : les Arts incohérents, les Hydropathes, les fumistes…
Peu d’artistes de ces groupes ont laissé leur nom dans l’histoire de l’art. Certains n’ont fait qu’y passer, comme Kees Van Dongen (1877-1968) ou Frantisek Kupka (1871-1957) avant de prendre une voie plus personnelle ; les plus impliqués restent largement méconnus, en dehors de Toulouse-Lautrec. L’ouvrage – comme l’exposition – met à l’honneur ces petits maîtres : Théophile-Alexandre Steinlein (1859-1923), Adolphe-Léon Willette (1857-1926), Henri-Gabriel Ibels (1867-1936), mais aussi Louis Legrand (1863-1951), Charles Maurin (1856-1914) ou Charles-Lucien Léandre (1862-1934). Une exposition inaugurale ambitieuse et plutôt réussie qui donnera lieu, je l’espère, à des expositions monographiques plus abouties.
M.D.
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