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Gaston La Touche (1854-1913), le peintre de la vie heureuse

13/11/2014

Gaston La Touche (1854-1913), les fantaisies d’un peintre de la Belle Epoque
Exposition au musée des Avelines, Saint-Cloud, du 16 octobre 2014 au 1er mars 2015

Il faut gravir la colline de Saint-Cloud qui domine la Seine pour découvrir le charmant musée des Avelines hébergé dans un bâtiment des années 1930 dans le style néo-grec. Si le musée municipal présente de façon permanente des collections relatives à l’histoire de la commune, il développe également une politique active d’expositions temporaires autour de ses collections permanentes. Après avoir présenté une retrospective de l’oeuvre du peintre Edouard Dantan (1848-1897) l’an passé, le musée des Avelines nous fait à nouveau découvrir l’oeuvre d’un artiste du XIXème siècle originaire de Saint-Cloud, Gaston La Touche (1854-1913). La Ville peut s’enorgueillir de posséder une jolie collection d’oeuvres de ce peintre, en particulier dans la salle des mariages de l’Hôtel de Ville et l’église, qu’elle a complété par l’acquisition du beau pastel Les Amoureux en 2012. Le peintre ayant obtenu un certain succès au tournant du XXème siècle, ses oeuvres sont aujourd’hui dispersées aux quatre coins du monde. C’est donc un bel exploit que réalise ici ce petit musée en présentant 90 oeuvres de La Touche issues de collections publiques et privées internationales. Malgré des espaces restreints qui n’offrent pas toujours le recul nécessaire aux grands formats, c’est un bel hommage qui est rendu à ce peintre de la Belle Epoque par sa ville natale.

Gaston La ToucheLa rentrée au port, Huile sur toile, 1897 (détail)
201,5 x 201 cm
Mairie de Saint-Cloud
© Ville de Saint-Cloud / A. Bonnet

Né à Saint-Cloud en 1854 d’une famille originaire de Normandie, Gaston La Touche partage sa vie entre sa maison clodoaldienne (détruite en 2006 pour construire la maison des patients, près de la gare) et le domaine du Gros-Douet à Champsecret dans l’Orne qu’il hérite de sa mère. Autodidacte, il se lance dans la pratique artistique contre l’avis de ses parents et expose au Salon des Artistes français dès 1874 dans la section sculptures. C’est finalement la peinture qu’il choisira. Sa carrière peut se diviser en deux grandes périodes. La première période, qu’on peut qualifier de « réaliste » est marqué par l’influence d’Emile Zola (1840-1902) – dont il illustre l’Assommoir en 1879 : les thèmes choisis sont des scènes de la vie quotidienne des classes populaires, des intérieurs noirs reflétant la misère de ce siècle comme Coin de cuisine (huile sur toile, collection particulière, Londres) et l’Accouchée (huile sur toile, 1883, collection particulière, Londres). A cette époque, il fréquente les artistes du café de la Nouvelle Athènes et rencontre en particulier Edouard Manet (1832-1883) dont il envisage un temps de devenir l’élève. On connait finalement assez mal les oeuvres de cette période, l’artiste ayant lui-même choisi d’en détruire une grande partie par le feu.

Gaston La Touche, Bassin doré

Le bassin doré, Huile sur toile
76 x 80 cm
Collection particulière, Londres
© DR

Le changement de style de Gaston La Touche semble en effet assez radical. A partir des années 1890, il se lance dans la réalisation de peintures lumineuses sur des thèmes plus joyeux, qui plaisent au public. Cette renaissance correspond à la rencontre décisive du peintre avec le graveur Félix Bracquemond (1833-1914), son presque voisin (Bracquemond résidait à Sèvres), qu’il considère comme son maître et auquel il rend hommage dans un double portrait conservé au musée d’Orsay (Bracquemond et son disciple, 1906, huile sur toile). La Touche fait partie des premiers artistes à exposer au nouveau Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts dont Bracquemond est l’un des fondateurs. Sa carrière prend un nouvel élan avec des sujets qui correspondent aux goûts de la société de la Belle Epoque : scènes inspirées des peintures galantes du XVIIIème siècle et spectacles de la vie mondaine et élégante de Paris et Saint-Cloud. Comme ses contemporains, il s’intéresse aux intérieurs de théâtre, comme dans son tableau L’Entracte (huile sur toile, collection particulière) qui retranscrit bien l’élégance des théâtres parisiens autour de 1900.

La Touche est également un fin observateur des coulisses, de l’intimité des couples et des sentiments amoureux, par exemple dans Le Pardon, ou l’éternel mensonge (Huile sur panneau, collection particulière, Londres) où une femme reçoit les excuses d’un homme agenouillé devant elle. S’imprégnant de son observation attentive de la nature et de l’environnement dans lequel il évolue, l’artiste peint « d’inspiration » créant des tableaux avec un côté parfois fantastique. Inspiré par les contes de Perrault (Le Mariage de Riquet à la houppe, huile sur toile, musée d’Orsay), il représente également des scènes tout droit sorties de son imagination (La Rentrée au port, huile sur toile, 1897, mairie de Saint-Cloud). L’humour n’est pas absent de ses tableaux quand il reprend l’image du singe utilisé par Watteau et Chardin, pour parodier le rôle du peintre (Le Peintre de génie, ou Le Peintre célèbre, huile sur panneau, collection particulière, Londres). C’est avec un autre animal récurrent dans ses scènes d’extérieur, le cygne, que La Touche exprime la mélancolie et la mort dans les Cygnes noirs et les Cygnes blancs (huile sur toile, 1894, marie de Saint-Cloud) ayant appartenu à madame Gounod, veuve du célèbre compositeur.

Gaston La Touche, Tour Eiffel

Vue de Paris – La Tour Eiffel, Huile sur toile, 1899
60 x 60 cm
Collection particulière, Londres
© DR

L’oeuvre du peintre apparait ainsi comme très variée, le point commun de ses oeuvres après 1890 étant la couleur. Une belle lumière jaune émane de ses peintures, même dans les plus sombres comme les Cygnes. Sa maîtrise de la couleur est également perceptible dans les études saisies au vif, une série d’ébauches colorées que l’artiste avait exposées de son vivant et qui avaient frappées les critiques de l’époque (Etudes, huile sur panneau, collection particulière, Paris). Cette série de paysages se prolonge dans Vue de Paris – La Tour Eiffel (huile sur toile, 1899, collection particulière, Londres) et La Cathédrale de Chartres (huile sur toile, 1899, musée départemental de l’Oise) dont les effets de lumières ne sont pas sans évoquer Monet. Il y a dans ces peintures une spontanéité qu’on ne retrouve pas dans ses peintures d’intérieur plus abouties et plus denses.

Gaston La Touche, Les Amoureux

Les Amoureux, Pastel, 1893
80 x 48 cm
Musée des Avelines, Saint-Cloud
© Ville de Saint-Cloud – Musée des Avelines / G. Plagnol

Artiste coloriste, La Touche démontre également une parfaite maîtrise de l’aquarelle et du pastel. Ses oeuvres dans ces techniques ont un côté évanescent qui correspond parfaitement au sujet évoqué, spirituel (Le Portement de Croix, aquarelle et gouache, 1893, Reims, église Saint-Niaise) ou fantastique. Ces oeuvres le rapprochent d’ailleurs des artistes symbolistes – même s’il récuse ce terme.

L’exposition se termine par un film présentant les différents travaux de décorations du peintre. Les commandes publiques prestigieuses : Fête de Nuit pour le Palais de l’Elysées, une variation sur le thème de l’amour féminin pour le Ministère de l’agriculture (à Marseille depuis 1937), 4 panneaux représentant les arts pour le Ministère de la justice (aujourd’hui dépôt du musée d’Orsay au Sénat) et plusieurs importantes commandes privées, en particulier celle pour la salle dorée du restaurant le Train Bleu en 1900 (vue d’Antibes) et celle du grand hall de la villa d’Edmond Rostand à Cambo-les-bains, exécutée entre 1905 et 1908.

Dénommé « peintre de la vie heureuse », fin observateur des fastes de la Belle Epoque, on peut s’interroger sur la vie de cet artiste qui subitement prend fin  en 1913. Est-ce son bonheur personnel qui se reflète dans ses peintures ? A l’image de William Bouguereau, la vie de Gaston La Touche est surtout faite de travail, ponctuellement interrompu par les « dimanches de Saint-Cloud », lieu de rencontre du tout-Paris, organisés par son épouse. Cet artiste discret est très attaché au confort de son cocon familial dont l’équilibre est perturbé par la mort de son fils aîné Philippe en 1900.

Après la mort de La Touche, les hommages sont nombreux mais il tombe rapidement dans l’oubli, emporté dans le flot des artistes académiques – ou non impressionnistes – alors qu’il ne fit jamais partie d’aucun mouvement ni d’aucun groupe artistique, suivant simplement ses inspirations. Il bénéficie aujourd’hui du regain d’intérêt pour les « petits maîtres » et revient dans la lumière qu’il mérite, pour notre plus grand plaisir.

M.D.

Vers le site du musée des Avelines et le programme des activités organisées dans le cadre de l’exposition
Vers le catalogue raisonné du peintre par Selina Baring Maclennan et Roy Brindley

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