Catalogue de l’exposition Marie Petiet – Être femme peintre au XIXe siècle
du 1er avril au 20 juin 2014 au musée Petiet de Limoux et du 4 juillet au 27 septembre 2014 au musée de Carcassonne
Silvana Editoriale, 2014
Cet été, les musées de Limoux et de Carcassonne se sont associés pour présenter une exposition rétrospective dédiée à Marie Petiet (1854-1893), artiste audoise qui fut une des élèves de l’Alsacien Jean-Jacques Henner (1829-1905). J’avais découvert le musée Petiet – un des quatre que compte la petite commune de Limoux – à l’occasion d’un séjour dans cette magnifique région. Le bâtiment rassemble une jolie collection de peintures de la seconde moitié du XIXème siècle, dont des dépôts du Musée d’Orsay. Une salle du musée est dédiée de façon permanente à Marie Petiet, dont le père amateur d’art a donné son nom au lieu. La collection fut par la suite complétée par son mari Étienne Dujardin-Beaumetz (1852-1913), peintre, homme politique audois et sous-secrétaire d’État aux beaux-arts.
Vingt-cinq ans après une première rétrospective de moindre ampleur, la connaissance du travail de l’artiste s’est améliorée grâce à la réapparition d’oeuvres méconnues sur le marché de l’art, dont plusieurs sont venues enrichir les collections du musée de Limoux comme les Trois Grisettes. Le catalogue de l’exposition, largement illustré, fait état de ces découvertes et permet de mieux comprendre l’évolution artistique et technique de Marie Petiet. Pratiquant d’abord la peinture en amateur dans son petit cercle familial, elle se forme ensuite à Paris auprès d’Hector Leroux (1829-1900) puis à partir de 1877 de Jean-Jacques Henner dont on peut voir l’influence en particulier dans des sujets comme les Madeleine. Au contact de son professeur, la jeune artiste, d’abord portraitiste, prend de l’assurance et expose au Salon à partir de 1877. Elle propose des compositions de plus en plus ambitieuses comme les Blanchisseuses, son oeuvre la plus célèbre, exposée au Salon des artistes français de 1882. Comme chez Léon Delachaux ou Caroline Espinet, cette scène de la vie quotidienne de villageoises est dénuée de tout jugement sur leur condition sociale. Dans Guignol au Village (après 1886), si certaines parties du tableau sont très bien exécutées, l’ensemble reste trop figé et laisse apparaître le manque d’expérience de la peintre. Malheureusement, Marie Petiet meurt trop tôt, à seulement 39 ans, et on est contraint de s’arrêter sur ces promesses.
En introduction de l’ouvrage, les commissaires de l’exposition ne font pas l’impasse sur la question, de plus en plus d’actualité : en quoi cette peinture est-elle particulièrement féminine ? Il est vrai que les modèles de Marie Petiet sont surtout féminins ; on trouve plusieurs femmes lisant ou endormies (et parfois même des femmes qui s’endorment en lisant !), des femmes occupées à leurs travaux (des tricoteuses, marchandes d’orange, etc.). Mais faut-il s’étonner de cette tendance quand on connaît la condition des femmes, et des femmes artistes, à l’époque ? Leur apprentissage, à domicile ou dans des ateliers réservés aux femmes, ne leur permettait en effet pas l’accès à des modèles masculins en dehors de leur entourage.
C’est justement tout l’intérêt de cette exposition, et de son catalogue, d’ouvrir son propos à la question de l’apprentissage des femmes artistes au XIXème siècle en prenant l’exemple de l’atelier pour dames de Carolus-Duran où enseigne Jean-Jacques Henner de 1874 à 1889. Ces ateliers, tenus par des peintres académiques renommés comme Léon Cogniet (1794-1880) ou Charles Chaplin (1825-1891), avaient beaucoup de succès, notamment auprès des étrangères. Marie Petiet fait vraisemblablement partie des proches élèves de Henner, avec Dorothy Tennant, Germaine Dawis, Madeleine Smith Champion, Virginie Porgès, Juana Romani, Laura Leroux. Même si on ne connait pas de portrait d’elle par son professeur, ce dernier la soutient à plusieurs reprises pour sa participation au Salon. Plusieurs oeuvres de ces femmes artistes, parfois très influencées par leur maître, sont présentées afin de mieux comprendre le contexte – et le style – dans lequel s’inscrit Marie Petiet. L’enseignement qui était donné dans ces ateliers, comme la carrière des artistes qui en furent issues, reste un champ d’études encore peu exploré. Le nouvel intérêt pour les femmes artistes dans ce qu’on appelle les « gender studies » permettra certainement de mieux connaître les autres « dames » que l’histoire de l’art malheureusement oubliées.
M.D.
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