Après avoir vu Nathalie Dessay illuminer la scène de l’Opéra de Paris par son interprétation dans la Bohème de Puccini, je n’ai pu résister et me suis replongée dans les Scènes de la vie de Bohème de Murger. Au fait, la Bohème, qu’est-ce que «ça voulait dire», pour reprendre les paroles de la chanson d’Aznavour ?
Selon Murger, est bohème « tout homme qui entre dans les arts sans autre moyen d’existence que l’art lui-même ». La vraie Bohème est composée d’artistes qui ont des chances de réussir et pour lesquels la misère n’est qu’une période de transition dans leur carrière. C’est un mode de vie, une façon de parler et de se comporter, typique des jeunes artistes parisiens du XIXème siècle, qui peut se terminer par la mort ou par la réussite. On sait aujourd’hui peu de choses sur la jeunesse de Léon Riesener : a-t-il été, comme son cousin avant lui ou son ami Théophile Gautier, un artiste bohème ? Il fut dès 1823 l’élève du baron Antoine-Jean Gros (1771-1835) et resta vraisemblablement dans son Atelier jusqu’en 1831, sa première exposition au Salon. En 1825, il s’inscrit à l’Ecole des Beaux-Arts pour quelques mois. Les pastels qu’il a réalisés à cette époque sont pleins de promesses par la liberté des tons et la spontanéité de la touche.
L’exposition que l’Ecole des Beaux-Arts de Paris a consacrée aux artistes parisiens aux XVII et XVIIIème (L’Ecole de la Liberté, être artiste à Paris 1648-1817) illustre le mode de vie des artistes et la question de la liberté de la création. Comment exprimer son indépendance, sa jeunesse fougueuse et rebelle face aux règles strictes de l’Académie royale de peinture et de sculpture ? Si les commentaires de l’exposition restent très anecdotiques (quel intérêt de savoir que tel artiste était connu pour son ivrognerie ?), on y découvre des oeuvres méconnues qui constituent des étapes importantes dans l’apprentissage des jeunes artistes : l’accrochage des «concours de Torse», l’autoportrait de Pierre-Narcisse Guérin (qui fut le professeur d’Eugène Delacroix) et le pastel de Mlle Capet (dont j’ai déjà parlé dans mon article sur la branche maternelle de la famille de Léon Riesener) ont retenu toute mon attention. Derrière ces témoignages «académiques», on découvre aussi une jeunesse rebelle, prête à refaire le monde et à braver les interdits (les duels étaient courants à l’époque)…qui atteindra pour moi son paroxysme dans la période romantique.
Et dans ma tête, revient ce refrain : «La bohème, la bohème, on était jeunes, on était fous. La bohème, la bohème, ça ne veut plus rien dire du tout.»
M.D.
Article initialement publié sur www.leon-riesener.fr