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Albert Maignan, peintre et décorateur du Paris fin de siècle

03/05/2016

Lieu artistique encore méconnu au coeur du quartier de la Nouvelle Athènes, la fondation Taylor, qui avait rendu hommage à son fondateur il y a un an et demi, revient aujourd’hui sur l’oeuvre et la carrière d’un de ses principaux bienfaiteur, le peintre Albert Maignan (1845-1908). J’avais découvert cet artiste prolifique lors de ma visite du restaurant Le Train Bleu, dont il fut l’un des principaux décorateurs. La double exposition, organisée par la fondation Taylor en partenariat avec le Musée de Picardie, permet de porter un nouveau regard sur ce décorateur renommé de la IIIème République. Longtemps relégué aux réserves des musées comme ses contemporains « pompiers » Cabanel, Rochegrosse, Gérôme ou Couture récemment redécouverts, Maignan est aujourd’hui « ressuscité » pour reprendre les mots de Bruno Foucart, éminent historien de l’art spécialiste du XIXème siècle et directeur scientifique de la fondation Taylor.

Le nom d’Albert Maignan est associé aux deux institutions qui lui rendent hommage aujourd’hui. Fondée en 1844 par le baron Taylor (1789-1879), l’Association des artistes peintres, sculpteurs, architectes, graveurs et dessinateurs lui doit beaucoup. Membre actif puis président de la fondation, le peintre lui lègue, par l’intermédiaire de sa veuve, sa résidence du 1 rue La Bruyère, aujourd’hui son siège social. Quant au Musée de Picardie, il détient le fonds d’atelier du peintre et ses objets archéologiques et médiévaux, venus complété à sa mort en 1908, les grands formats acquis du vivant de l’artiste par l’Etat : Dante rencontre Mathilda (1881), Le Printemps de la vie (1883), Les Voix du tocsin (Salon de 1889) et La Mort de Carpeaux (Salon de 1892). Cette exposition est l’aboutissement de recherches menées par la conservatrice Véronique Alémany et ses successeurs au Musée de Picardie. Elle intervient alors que l’intérêt pour les autres courants artistiques du XIXème siècle s’accroît, avec des rétrospectives consacrées aux grands décorateurs de la IIIème République comme Alexandre Séon par exemple.

Esquisse pour le mur du foyer de l’Opéra comique

Esquisse pour le mur du foyer de l’Opéra comique, hst, 55,5×130,5 cm. Amiens, musée de Picardie. © Michel Bourguet/Musée de Picardie

Qui sait de nos jours qu’Albert Maignan fut un peintre abondant, écrivain prolifique et professeur, couvert d’honneurs par la IIIème République ? En parallèle à des études de droit entreprises contre son gré, il s’est d’abord formé à la peinture aux côtés de Jules Noël (1810-1881). Ebloui par ses visites en Italie et l’art des XVIIème et XVIIIème siècles, Maignan se spécialise dans la réalisation de grands décors : le Salon des Lettres de l’Hôtel de Ville (1892-1893), le grand foyer de l’Opéra comique (1897), le Train Bleu (1900), la salle des fêtes de l’Exposition universelle (détruite) ou encore la chapelle Notre-Dame de la Consolation (1898-1901) en mémoire des victimes de l’incendie du Bazar de la Charité. Il se fait également remarquer au Salon en donnant à voir des tableaux d’histoire ou religieux de grande dimension.

Note volante

Note volante, esquisse pour le plafond du foyer de l’Opéra comique, hst, 44×29 cm. Amiens, musée de Picardie. © Michel Bourguet/Musée de Picardie

L’exposition, qui présente le fonds d’atelier du peintre, permet de comprendre le travail de recherche du peintre, comme ses hésitations par exemple sur les Voix du Tocsin, commencé en 1882 et exposé au Salon de 1888. On peut suivre également les réflexions de l’artiste grâce à son Journal qu’il tient régulièrement. Les dessins et esquisses des grands décors du peintre, dont de nombreux exemples sont ici exposés, montrent sa grande maîtrise du mouvement et de la couleur.

Esquisse pour Les voix du tocsin

Esquisse pour Les voix du tocsin, hst, 123,2 x 98 cm, 1886. Amiens, musée de Picardie. © Michel Bourguet/ Musée de Picardie

Dans une des premières pièces de l’exposition, un autoportrait assez étonnant de l’artiste est présenté. Ce grand format représente le peintre en compagnie de son épouse, Louise Larivière, fille du peintre Charles-Philippe Larivière. Plus qu’un autoportrait, c’est véritablement un portrait de couple où la femme occupe la place principale, Maignan étant dans le rôle de l’observateur. Ce tableau révèle l’importance du rôle de celle qui fut son modèle et sa plus fidèle admiratrice. Comme le rappelle Olivia Voisin dans son article de l’ouvrage monographique qui fait maintenant référence, elle fut également à l’origine du catalogue de son oeuvre.

Le sujet le plus impressionnant que l’on pourra admirer à la fondation Taylor est Les Voix du Tocsin, toile de 5,55 m de haut sur 4,50 de large, présentée à plat dans le cadre de sa restauration in situ jusqu’au 16 juillet. Evénement exceptionnel, le tableau est restauré à l’endroit même où il fut peint, dans l’atelier de Maignan environ 130 ans plus tôt.

Les Voix du Tocsin

Les Voix du Tocsin, crédits F. Arnaud, Fondation Taylor

Premier aperçu d’une oeuvre qui nous réserve certainement d’autres belles surprises, la présentation de la fondation Taylor est complétée par une publication des éditions Norma, la première consacrée au peintre. Sans être un véritable catalogue d’exposition, elle trouvera sa place dans notre bibliothèque, comme Maignan retrouvera sa place parmi les grands peintres de la seconde moitié du XIXème siècle. Pour s’en convaincre, il faudra voir ou revoir les décors qu’il a réalisés dans les grandes institutions parisiennes.

M.D.

Fondation Taylor
1, rue La Bruyère, 75009 Paris
« Albert Maignan, peintre et décorateur du Paris fin de siècle »
du 11 mars au 7 mai 2016

« Les Voix du Tocsin, genèse et résurrection d’un chef d’oeuvre »
du 11 mars au 16 juillet 2016

maignan-normaBruno Foucart, François Legrand, Véronique Allemany et Olivia Voisin, Albert Maignan. Peintre et décorateur du Paris fin de siècle, Norma Éditions, 2016, 176 p., 25 €. ISBN : 9782915542844.

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